Un passage de l’Evangile (cf. Mc 2, 1-12) rapporte l’épisode au cours duquel quatre hommes portèrent le brancard d’un cinquième, paralysé, ils le firent passer par le toit afin de l’amener à Jésus afin que celui-ci le guérisse. Une simple mention du récit saisit toujours mon attention précisant que Jésus « voyant leur foi », entreprit de guérir cet homme, après lui avoir pardonné ses péchés. Bien sûr, le Seigneur connaît les cœurs, et nous pouvons comprendre qu’il vit cette foi qui habitait les animait. Mais ceux qui étaient là - le monde qui s’était rassemblé si bien « qu’il n’y avait plus de place » - auraient-ils pu voir quelque chose ? Je le crois, et cela nous indique comment, nous aussi, nous pouvons non pas « montrer » notre foi comme on exhiberait un objet ou une pièce de musée, mais la laisser rayonner et se manifester.
Leur charité en acte est une évidence ; elle faite de compassion et de pitié. Ils sont quatre à porter leur ami qui est paralysé. Chacun d’eux n’aurait rien pu faire, de manière isolée, et encore moins celui qui était affecté de paralysie. Ensemble, toutefois, ils ont pu agir, unissant leurs forces, leur courage, leurs moyens. C’est sans doute leur amitié qui les a conduits à voir non seulement la paralysie de leur compagnon, mais aussi à être capable de discerner et comprendre son désir de guérison ; et par suite, les moyens à prendre pour y parvenir. Pris de pitié, ils ont vu les limites de leur ami et sont venus à son secours, touchés de compassion : le mal de leur ami est devenu le leur ; leurs forces, leurs jambes et leurs bras, sont devenus ceux de leur ami.
A cinq, mettant en commun tous leurs biens, tant leurs forces que leurs pauvretés, ils sont déjà l’Eglise, cette communauté unie par le Christ qui reçoit de Lui son Salut. Ensemble, les uns avec les autres, ils laissent briller un témoignage de foi plus grand et lumineux que ne l’aurait fait le témoignage isolé de chacun. En église, ensemble, unie par la même foi, conduit par le même Seigneur, leur foi se manifeste visiblement.
Leur foi s’est faite convaincue, persévérante et audacieuse. Les obstacles étaient nombreux à cause de la foule. Beaucoup auraient sans doute abandonné après avoir posé raisonnablement les choses. Beaucoup se seraient laissé impressionner et décourager par ces obstacles. Eux, non ! J’ajouterais, au contraire ! J’ai l’impression que les obstacles ont motivé et encouragé l’audace de leur foi, lui donnant encore plus de rayonnement. Quel exemple pour chacun de nous qui peut voir un obstacle dans un simple regard, à l’idée de ce que les autres pourraient penser, dans un horaire qui ne nous convient pas, à cause du temps qu’il fait…
L’audace même de la solution qu’ils ont trouvée est un témoignage éclatant. Ils n’ont pas cherché la facilité, et laissant de côté les habitudes, conventions et certitudes, passant par le toit, ils font descendre le brancard avec l’homme paralysé devant le Seigneur Jésus. Leur foi, en effet, est audacieuse. Elle l’est non par souci de provocation, mais parce qu’elle est riche de conviction.
Ce qui permet cela, c’est qu’ils n’ont jamais perdu de vue l’essentiel, ils voulaient approcher Jésus, à cause de l’amitié et de la charité pour cet homme paralysé, mettant en œuvre concrètement, ces paroles de Notre Seigneur : « Celui prétend aimer Dieu et n’aime pas son prochain, est un menteur » (cf. 1 Jn 4, 20). Par ce qu’ils sont, parce qu’ils font, ils manifestent et laissent apparaître leur amour et leur foi en Dieu, et en leur prochain.
A l’inverse, dans la foule, des pharisiens ne voient pas tout cela, mais leur attention est retenue par un détail, les paroles de Jésus qui dit au paralysé « tes péchés sont pardonnés ». A ces mots, ils raisonnent en eux-mêmes, jugent et condamnent Jésus dans leur cœur, parce qu’eux savent ! Ces « quelques uns » dans la foule, avec leurs certitudes et leurs jugements, sont un obstacle plus grand que la foule elle-même, pour approcher le Seigneur Jésus. Ils ne sont pas un obstacle pour ces cinq hommes ; ils ne sont pas un obstacle pour que le Seigneur Jésus puisse pardonner et guérir ; en revanche, ils sont un obstacle pour eux-mêmes.
Approcher Jésus ! C’est la grâce qui nous est faite chaque jour dans la célébration du sacrifice eucharistique, où nous le laissons s’approcher de nous par sa Parole et par le Saint-Sacrement de son Corps et de son Sang. Cette grâce trouve sa continuité et son prolongement dans l’adoration. Là, nous comprenons, que, portés par l’Eglise, nous sommes ce paralysé, du corps ou du cœur, qui a besoin, d’abord de pardon, c’est-à-dire d’être aimé et sauvé par le Seigneur Jésus, afin de pouvoir à son tour, laisser rayonner sa foi.
abbé Bruno Gerthoux, curé