Pardonne-nous nos offenses

29 mai 2024

En méditant sur ces paroles avec des couples que j’accompagne, j’ai pris conscience d’une nuance qui n’est pas sans importance.

En effet, par cette formule de la prière du Notre Père, nous ne demandons pas simplement le pardon de nos erreurs ou de nos fautes, mais de nos offenses. Le mot péché n’est pas utilisé, lequel est malheureusement trop souvent confondu avec erreur et faute.

Reconnaitre ses erreurs, ses défauts et ses fautes est sans doute souvent nécessaire - pour difficile que cela puisse être parfois -, pour autant ce n’est qu’une étape insuffisante. Cette démarche, finalement, ne nous conduit qu’à nous considérer et regarder nous-mêmes, peut-être d’en éprouver du regret, sans doute de la honte ou du dépit, souvent seulement de la résignation : c’est comme ça ! Nous nous jugeons par rapport à une règle technique, morale voire religieuse, à laquelle nous ne correspondons pas totalement. Pire ! à l’idée que nous nous faisons de nous-mêmes ! Et quand bien même nous n’aurions commis ni faute ni erreur, cela ne nous dédouane pas des offenses que nous avons pu commettre.

Evoquer l’offense, ce n’est pas d’abord regarder nos défauts, nos fautes et nos erreurs, mais de porter notre regard vers la personne que nous aimons. Lorsque nous aimons une personne en vérité, nous la connaissons, nous sommes attentifs à ce qu’elle dit et à ce qu’elle fait. Nous pouvons ainsi savoir et reconnaître quand une parole que nous avons dite, une attitude que nous avons eu, des actes que nous avons posés ont pu offenser la personne, c’est-à-dire causer en elle une blessure. En regardant nos intentions, nous pouvons nous dire qu’elles étaient bonnes, et que nous n’avons commis ni faute ni erreur, et nous pourrions nous justifier à bon compte. Toutefois, nous constatons la blessure et la douleur de la personne que nous aimons. Même si nous n’avons pas à proprement parler de regret pour ce que nous avons dit ou fait, par un amour de compassion, de pitié et de miséricorde, notre cœur souffre du mal dont souffre la personne que nous aimons, précisément parce que nous l’aimons !

Alors peut jaillir le pardon, demandé, reçu et donné. Il ne s’agit ni de justifier, d’expliquer, de sanctionner, encore mois d’oublier, mais d’aimer. Le pardon et la miséricorde ne sont rien d’autre qu’un des noms de l’amour, en ce qu’il est capable de surmonter et de vaincre le mal.

C’est l’attitude et disposition que nous devons avoir aussi dans le sacrement de la réconciliation. Il est difficile de se confesser lorsque nous ne nous regardons que nous-mêmes, il est accablant et décourageant de vouloir faire une liste exhaustive de nos erreurs et de nos fautes. Or, quand bien même nous serions parvenus à établir cette liste, nous n’aurions pas encore commencé à demander pardon. Ce qui doit nous conduire à la confession, c’est le regard d’amour de notre Dieu, ce même regard qu’il eût sur le jeune homme riche, ce même regard qui conduisit Pierre à pleurer après avoir trahi le Seigneur, ce même regard de père aimant et miséricordieux que le fils prodigue voit en son propre cœur « entrant en lui-même », confessant « j’ai péché contre le ciel et contre toi » ! Les seules erreurs du fils prodigue l’auraient laissés comme mort loin des siens, mais prenant conscience qu’il a offensé son père, il peut revenir vers lui.

abbé Bruno Gerthoux, curé de Montfavet