Si chaque année dans le monde, les chiffres révèlent une augmentation constante des chrétiens et des vocations, nous ne pouvons que regretter que ce ne soit pas le cas pour notre pays.
Quelques années en arrière, on a pu entendre que la baisse des vocations était « une chance » pour l’Eglise, ce qui était une façon de ne pas voir la réalité, dans un contexte où les prêtres et consacrés étaient encore très nombreux. Cela laissait entendre par ailleurs qu’une concurrence sinon une opposition pouvait exister entre laïcs et prêtres. Au-delà du déni, la tentation peut être forte de trouver des solutions à court terme de remplacement qui ne respectent ni l’Eglise dans sa réalité et sa mission, ni les personnes, fidèles du Christ laïcs, ordonnés ou consacrés, qui finalement risquent de nous détourner de l’essentiel, le Christ Seigneur et Sauveur. Ces solutions à court terme se ressemblent sur le fond.
Que faire ? Peut-on pallier durablement au manque de prêtres et de vocations en puisant, de manière plus ou moins artificielle dans les réserves d’Eglises sœurs riches en vocations ? Sans mépriser l’apport et l’enrichissement que cela peut représenter, ce ne peut être une solution durable, parce qu’elle voile la réalité. La tentation pourrait être aussi de réduire les missions du prêtre à ce qu’il est le seul à pouvoir faire, au sens le plus fonctionnel du terme : célébrer la messe, confesser et donner le sacrement des malades, mettant de côté les multiples aspects de sa vocation de pasteur à la suite du Seigneur Jésus, présent au milieu de son peuple. En distribuant les missions des prêtres à des fidèles laïcs, nous pouvons d’une part appauvrir la richesse de la vocation sacerdotale, et d’autre part distraire les fidèles laïcs de leur vocation propre et spécifique dans le monde. Au final, la juste et nécessaire collaboration entre fidèles du Christ laïcs et prêtres pourrait même en être affectée en mettant les uns en concurrence avec les autres. Un autre écueil serait de réduire ces questions à des problèmes d’organisation et de répartition, et nous engager dans des coupages, redécoupages et assemblages interminables, illusoires et par suite épuisants, fixant plus notre regard sur nous-mêmes que sur le Christ, « le chef de notre foi, qui la conduit à sa perfection ».
La réalité du manque de vocations devrait nous conduire à considérer à nouveau la vocation, le ministère et la vie des prêtres au cœur de la vie de la communauté chrétienne. Ignorer, mettre de côté ou minimiser cela, conduit aussi à négliger un aspect vital de la vie de l’Eglise. Chacun de nous pourrait témoigner que nos vocations sont nées du témoignage marquant de vie et de la parole de prêtres qui ont croisé nos chemins ; elles sont nées au cœur de communautés familiales, paroissiales, religieuses ou associatives vivant la radicalité et la beauté de la foi chrétienne, témoignant de la réalité de leur relation vivante au Christ ; elles sont nées parce que nous avons pris au sérieux notre vocation de fidèles du Christ, discernant cet appel du Christ à le suivre d’une manière particulière, à nous engager à nous mettre à la suite du Bon Pasteur. Nos vocations sont nées dans l’Eglise, par l’Eglise et pour l’Eglise, c’est-à-dire au service de sa mission de Salut des âmes, par l’annonce de l’Evangile, en acte et en vérité.
Aussi, il me semble qu’un moyen privilégié pour permettre et favoriser les vocations dont nous avons besoin, c’est d’abord de prendre au sérieux, chacun, notre baptême et la mission qui en découle, de permettre à nos communautés d’être des foyers de vie, de prière, de charité propices à susciter des vocations, comme les fruits même de ce qui est vécu en acte et en vérité. Prendre soin des prêtres, c’est prendre soin des communautés et de l’Eglise.
abbé Bruno Gerthoux, curé de Montfavet