Le saint sacrifice de la messe
Nous pouvons être surpris d’entendre cette expression, utilisée notamment par les prières de l’offertoire, au cours de la célébration de la messe. Surpris, en effet, parce que nous avons souvent une idée ou une représentation plutôt négative du sacrifice.
Etymologiquement, le mot vient du latin sacer facere, littéralement « faire du sacré ». Dans l’histoire des hommes le sacré a été réalisé de bien des façons, consacrant des lieux, des objets, des personnes, des activités et du temps. Il s’agit dans tous les cas, par ces moyens à portée de l’homme, de permettre à celui-ci la rencontre avec Dieu. Certes, l’histoire garde la mémoire de moyens parfois violents et inhumains, où par la force, la brutalité et la destruction, y compris des personnes, l’homme a cru se concilier les faveurs de sa divinité. Pour autant, le sacrifice, comme toute autre réalité, ne peut se réduire à ce qui en est sa caricature.
Par le sacrifice, l’homme consacre une réalité, lui donnant une place à part dans sa vie et son quotidien, la consacrant et dédiant à Dieu, comme une offrande faite à Dieu. Ce qui motive la personne, c’est de manifester et montrer à Dieu son attachement, l’importance qu’Il a dans sa vie, la valeur qu’Il représente aux yeux de sa créature.
Si nous devions trouver un synonyme de sacrifice, je pense que le mot « cadeau » est le plus adéquat. En effet, lorsque nous offrons un cadeau à une personne qui nous est chère et que nous aimons, voulant le lui manifester par un signe, nous pouvons offrir un cadeau. Mais offrir un cadeau implique aussi, nécessairement, un renoncement : l’argent utilisé pour l’acquérir ou le réaliser mais aussi le temps pris pour le choisir, le façonner et l’apporter. Offrir un cadeau implique ainsi un renoncement, choisi et voulu, qui pourrait avoir un côté négatif, certes, mais parce qu’il est motivé par l’amour, ce renoncement, ce don, a une valeur plus grande et positive.
Ce qui fait le sacré, au fond, c’est le don de soi par amour, manifesté et accompli à travers un acte et des paroles. Nous pouvons alors mieux comprendre que la messe est un sacrifice, parce que là, d’une manière particulière, en vérité dans l’Esprit-Saint, Notre Dieu se donne à nous par amour afin de nous nourrir de sa vie, et nous racheter et délivrer de tout péché.
C’est ce que nous proclamons et célébrons chaque année au moment de la Semaine Sainte. Au soir du Jeudi Saint, au cours de la Sainte-Cène, le Seigneur Jésus prend le pain et le vin, et le donnant aux apôtres leur dit « Ceci est mon corps ! ceci est mon sang ! ». Il anticipe dans ce repas sacré ce qui va se réaliser d’une autre manière dans sa passion et sa mort. Déjà, le sacrifice est offert : « ma vie, nul ne la prend, mais c’est moi qui la donne ». Au jour du Vendredi Saint, ce qui avait été préparé la veille, s’accomplit de manière sanglante par la Passion et la Mort : « Il n’y pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime ». Au jour de la Résurrection, la victoire de l’Amour et de la Vie est manifestée. La Croix qui était signe de mort et d’échec, par le don de l’Amour de Notre Dieu, se dévoile signe de Victoire.
A chaque célébration de la messe, c’est ce saint sacrifice qui est accompli, non pas seulement le souvenir de celui-ci, mais la réalisation aujourd’hui de ce don éternel, qui s’est accompli dans le temps et l’histoire, le don de l’Amour de Dieu pour nous sauver. Par ce Saint-Sacrifice, qui nous délivre et nous sauve, le Saint-Esprit, don de l’Amour du Père et du Fils, est à l’œuvre. Le même qui autrefois a permis que cette croix fût un instrument de Salut, qui aujourd’hui, fait de ce pain et ce vin, non pas la représentation, mais le don du Corps et du Sang du Christ, ici et maintenant, le don de la vie et de l’Amour de Dieu.
abbé Bruno Gerthoux, curé de Montfavet