Pierre, m’aimes tu ?

 Nous connaissons le passage de l’Evangile où le Seigneur Jésus, à trois reprises pose à Pierre pratiquement cette même question, comme pour réparer ses trois trahisons au moment de son arrestation.

Sans doute, ce dialogue fut éprouvant pour Pierre qui, de l’assurance résolue de sa première réponse, semble passer par une forme de désarroi, sinon de doute, pour finalement s’abandonner avec confiance à la miséricorde du Seigneur. Il fallait que Pierre fît ce parcours, comme un pèlerinage de purification de son propre cœur. Il était nécessaire que Pierre prît de la distance par rapport à ses certitudes, en premier, mais aussi ensuite, qu’il se libérât de ses doutes, de son désarroi, de sa peur, afin de pouvoir en toute vérité se confier et s’abandonner à la grâce de Dieu. Il était vital que Pierre reconnût sa pauvreté, son péché, sa vulnérabilité afin de pouvoir répondre au Seigneur qui lui dit, au terme de ce dialogue « suis-moi ! ». Au fond, c’est ce cheminement qui est au cœur de toute vocation. Ce qui fait une vocation, ce ne sont pas les qualités ou les compétences, en s’accomodant des limites et faiblesses. Plus que cela, la conscience de notre vulnérabilité nous fait comprendre combien nous avons besoin du Seigneur et de sa grâce ; cette vulnérabilité nous permet de voir que le Seigneur fait de chacun de nous des serviteurs de sa grâce, venant au secours de notre faiblesse. Nous découvrons alors que le Seigneur a plus besoin de nous que de nos compétences : « Seigneur, toi, tu sais tout ; tu sais bien que je t’aime  ». Etre vulnérable n’est pas une faiblesse, au contraire, c’est une force lorsqu’on la sait reconnaître. Et ce qui fait la vocation, c’est cette relation unique, personnelle et intime avec le Seigneur qui nous conduit à le suivre avec confiance, par amour, capables de surmonter et dépasser nos pauvretés.

Par ailleurs, ce qui est marquant tout au long de ce parcours, c’est qu’après chaque réponse, le Seigneur confie à Pierre une mission « sois le pasteur… le berger… de mes brebis… de mes agneaux ». Ce que le Seigneur Jésus lui confie, c’est son propre bien, ce qu’il a de plus cher, puisqu’il a donné sa vie par amour pour le sauver. Notre Seigneur n’attend pas de Pierre qu’il soit parfait. Quelles que soient ses réponses, il affirme, réaffirme et confirme la mission qu’il lui donne de prendre soin de son troupeau. J’aime cette bienveillance sans aveuglement, cette confiance sans condition, cette tendresse sans mépris. Le Seigneur, qui sait tout, n’ignore pas les péchés de Pierre, et cependant, il demeure bienveillant à son endroit. Il lui manifeste sa confiance, par la mission qu’il lui donne, sans mettre aucune condition. Son regard et son attitude pleins de tendresse loin de mépriser Pierre pour ses faiblesses, l’en libèrent. Tout cela manifeste admirablement ce qu’est l’exigence du Seigneur vis-à-vis de Pierre, de ce qu’il attend de lui, de la mission qu’il lui confie. Plus encore, cette attitude de Notre Seigneur vis-à-vis de Pierre rend à celui-ci son audace, son courage, sa ferveur et par suite, lui donne les moyens de se mettre à la suite du Seigneur en vérité.

Au fond, l’attitude de notre Seigneur vis-à-vis de Pierre nous fait aussi comprendre ce que doit être notre propre attitude, comme fidèles du Christ - que nous soyons laïcs, consacrés, évêques, prêtres ou diacres - pour susciter les vocations, encourager ceux qui peinent et venir au secours de ceux qui tombent.

Abbé Bruno Gerthoux, curé