Où sont-ils les chrétiens ?
Lors de la fête de la musique qui se déroulait, à Montfavet, sur la place de l’église, j’ai volontairement tardé à fermer les portes. De nombreux enfants jouaient sur la place, alors que les parents, attablés prenaient leur repas ou partageaient un verre, d’autres, autour de la scène, écoutaient le groupe de chant.
Lorsque je suis allé fermer les portes de l’église, au moment où j’entrai dans l’église qui était alors vide, un groupe d’enfant parcourait le lieu, prenant des photos pratiquement devant chaque chapelle, comme d’autres prendraient de clichés de leurs visites touristiques, mieux encore, ils étaient comme chez eux. C’est un fait, ces enfants découvraient cette église et l’appréciaient. Évidemment, je ne les ai pas mis dehors, et je patientais. D’autres sont venus, des parents les ont rejoint.
Un enfant me posa la question : « comment fait-on pour prier ? » La question pourrait paraitre anodine, mais elle ne l’est pas, à plus d’un titre. Tout d’abord, c’est rare – même si ce n’est pas inexistant – d’avoir des fidèles, réguliers ou non, qui posent cette question, soit parce qu’ils croient déjà savoir, soit parce que cela ne les intéresse pas, soit encore, parce que cela ne leur vient pas à l’idée. En outre, lorsque j’échangeai avec la maman, je compris que cette famille étrangère, et peut être réfugiée, n’était pas de culture occidentale, et - sans la méconnaître - n’était pas de religion chrétienne. J’ai commencé à répondre à la question de cet enfant, puis un autre est venu, d’autres encore ont suivi, ajoutant question sur question, avec une curiosité, une vivacité et un intérêt manifestes. L’autel, la croix, pourquoi cet homme est sur une croix ? pourquoi a-t-il était crucifié ? les statues, les tableaux, la décoration, les cierges, l’ancienneté du lieu… aucun détail ne leur a échappé. Non seulement ils découvraient une réalité nouvelle, mais cette réalité était à leur portée, et quelqu’un était là, non seulement pour répondre à des questions pour satisfaire leur curiosité, mais par un témoin, qui pouvait aussi contribuer à éclairer leur cœur. Et les parents, plus ou moins proches de la vie de l’église, s’appuyant sur l’audace de leurs enfants, posaient à leur tour des questions. Ce fut l’occasion aussi, de prendre un rendez-vous pour le baptême de deux enfants, presqu’adolescents. Un autre voulait une bible.
La question d’une maman me déstabilisa : « pourquoi est-ce que personne ne prie dans ce lieu ? ». Bien sûr, je lui ai expliqué que l’église était ouverte chaque jour, que la messe était célébrée quotidiennement, que dans la journée des personnes venaient librement prier, comme en témoignent les cierges qui brûlent, qu’une personne, en ce moment même, était dans la chapelle de l’adoration en prière… Cela m’a troublé, parce qu’en effet, à ce moment-là dans l’église, visiblement, personne ne priait. Peut-être des fidèles étaient-ils à la fête de la musique, mais même le prêtre qui était dans l’église, n’était pas là pour prier… mais pour fermer les portes ! Par ailleurs, même si l’église est ouverte chaque jour, elle, elle ne la voyait pas ouverte, mais pensait qu’elle était toujours fermée. Et c’est un fait, il ne suffit pas de laisser les grilles et la porte ouvertes ! Cela m’a rappelé une question que j’ai entendu quelques fois « on a le droit d’entrer ? », en effet, certaines personnes, voient la porte de l’église ouverte, mais n’osent pas entrer, pensant qu’ils n’y ont pas droit.
Où sont-ils les chrétiens ? Ces questions, ces réflexions soulignent l’exigence du témoignage de la foi. Nous ne pouvons pas être des intermittents ou des consultants de la foi. Nous cherchons parfois bien loin, ceux qui sont - comme le dit le pape François - aux périphéries, mais ce soir-là, j’ai vu que les périphéries étaient venues dans l’église : le lieu était ouvert, à leur portée, ce n’était pas n’importe quel lieu, et quelqu’un était là. C’est un fait, je ne m’y attendais pas, mais ce fut une grâce et comme un encouragement. La soif du monde de connaître, de découvrir, de savoir, d’aimer, doit nourrir notre propre ferveur, notre fidélité, notre persévérance et nous conduire à avoir de l’audace dans le témoignage de notre foi, sans peur.
Abbé Bruno Gerthoux, curé