La crainte du Seigneur !

 Cette expression que l’on retrouve souvent dans la Sainte-Ecriture, et en particulier dans les psaumes, peut nous laisser perplexe parce que nous ne la comprenons pas vraiment, et notre réaction, à cet égard, peut être significative.

A priori, cela ne fait pas de difficulté : nous comprenons – ou croyons comprendre – chacun des mots de l’expression, et cependant le sens de la phrase est étrange. Pourquoi faudrait-il avoir peur de Dieu ? Pourquoi Dieu aimerait-il ceux qui ont peur de lui ? La peur de Dieu ne rend pas compte du Dieu d’Amour auquel nous croyons ! Par suite, nous allons ignorer le passage en question et passer à autre chose. Le problème est que nous croyons avoir compris, nous sommes sûrs de comprendre, et nous ne remettons en question ni notre compréhension, ni nos certitudes, et cependant nous doutons et remettons en question la Sainte-Ecriture.

Or, si la Sainte-Ecriture utilise le mot « crainte » et non pas le mot « peur », c’est parce que l’un et l’autre mot ne signifient pas la même chose. Il est vrai, toutefois, que dans le langage courant, nous en sommes souvent venus à utiliser l’un pour l’autre, l’un comme un synonyme de l’autre, sans plus de nuance.

La peur évoque une situation d’inquiétude et d’angoisse vis-à-vis d’une réalité, d’une situation, d’une personne menaçante, dangereuse ou simplement inconnue. La peur peut être fondée sur des éléments réels ou des choses supposées ou imaginées. La peur nous conduit à chercher à échapper, à fuir ce qui nous menace et nous semble dangereux, parce que nous sommes vulnérables.

La crainte est plutôt une forme de l’amour. Ce qui est au cœur de la crainte, c’est avant tout la connaissance de la personne que l’on aime, la conviction de l’amour de cette personne pour nous, la conscience de la valeur de cette réalité, de son prix. Mais dans le même mouvement de connaissance, de conviction et de conscience, nous mesurons combien chacun de nous peut être fragile, vulnérable, et finalement, combien, par nos limites, nos faiblesses, nos péchés, nous risquons de nous éloigner et de nous priver de cet amour, de ce don, de ce trésor. Ainsi, la crainte n’est rien d’autre que le sentiment de celui qui redoute, par sa faute, de s’éloigner de la source et de la cause de son amour. Celui qui éprouve la crainte du Seigneur, doit avoir d’abord une vive conscience de l’Amour de Dieu, et dans le même temps, conscience de sa propre pauvreté, sans en avoir peur, au contraire, et qui par là-même, s’attache avec d’autant plus d’ardeur et de confiance à cet amour.

La lecture et l’écoute aimante de la Parole de Dieu, nous conduit toujours à aller plus loin dans la compréhension, dans la connaissance, dans l’amour.

Abbé Bruno Gerthoux, curé