« La paix soit avec vous ! »
Le Seigneur Jésus ressuscité salue les disciples, témoins de la résurrection par ces paroles : « la paix soit avec vous ». Il ne s’agit certainement pas d’une formule de politesse, d’ailleurs, si les disciples transmettent ce qui pourrait n’apparaître que comme un détail, c’est que ces paroles les ont marqués et ont touché leurs cœurs.
Au-delà d’une simple et banale formule de salutation, de politesse, mondaine et formelle, le Seigneur donne comme un signe supplémentaire et spécial afin de manifester sa présence, de permettre aux disciples de le reconnaître, et d’affirmer et proclamer qu’il est ressuscité. C’est dire la richesse de cette formule de foi, d’espérance, de charité : Il est là, c’est Lui, mon Seigneur et mon Dieu !
C’est précisément pour cela que ce geste prend sa place dans la célébration du Sacrifice Eucharistique, juste avant la communion, lorsqu’à l’invitation du diacre, nous échangeons la Paix du Christ. Pour le vivre pleinement et en recevoir toutes les grâces, il est essentiel de le bien comprendre, en dépassant une signification trop superficielle.
Evidemment, nous ne pouvons réduire ce geste à n’être qu’une salutation mondaine ou la manifestation de notre affection aux personnes que nous aimons, en évitant méthodiquement de saluer les autres, voire en traversant l’église pour saluer un ami. Nous ne pouvons enfermer ce geste dans des considérations de sentiment, d’affection ou de politesse.
Ce serait trop peu de voir dans ce geste une ordinaire manifestation de réconciliation entre-nous, qui aurait d’ailleurs plus sa place avant l’offertoire. Evidemment, faire la paix entre-nous est nécessaire, et cette réconciliation est un témoignage pour tous, mais la messe n’est pas le lieu de cette réconciliation, et le geste de paix n’en est pas l’instrument.
Ce n’est pas un « signe », qui serait symbolique, représentatif d’une paix que nous attendons, que nous souhaitons, que nous espérons mais qui n’est présente ni accomplie, et serait, dans le meilleur des cas, en devenir.
« Frères et sœurs, dans la charité du Christ, donnez-vous la paix ». Cette paix vient du Christ, plus encore, elle est le Christ. Il ne s’agit pas de donner ou transmettre un signe de paix, mais de donner et recevoir la paix dans la charité, l’amour du Christ.
Cette paix vient de l’autel, vient du Saint-Sacrement de l’autel. Le prêtre qui célèbre le sacrifice l’affirme en premier et à tous : « que la Paix du Seigneur soit toujours avec vous », et en répondant, déjà, nous accueillons sa grâce dans la foi. Par notre réponse, comme les apôtres témoins de la résurrection du Seigneur, nous le reconnaissons présent, nous proclamons qu’il est ressuscité, nous l’annonçons par le témoignage de notre vie et de notre foi.
Dans les monastères, et dans certaines églises paroissiales, cela est encore plus manifeste et visible, puisque le prêtre après avoir donné la paix à toute l’assemblée, la transmet au diacre qui va à son tour la transmettre à un autre, puis de l’un à l’autre, la paix se transmet à toute la communauté depuis la source unique de l’autel.
C’est pour cela, qu’à l’invitation du diacre nous échangeons la Paix. Et là, nous accomplissons un acte de foi. En donnant la paix, nous reconnaissons que nous sommes un don de Dieu pour notre prochain ; en recevant la Paix, nous reconnaissons que notre prochain est un don de Dieu pour nous. Reconnaître le don de Dieu par mon prochain – littéralement « celui qui est le plus proche » par les sentiments, par les circonstances, par la situation, par la vie… -, c’est reconnaître que nous pouvons chacun être instrument de la grâce de Dieu, reconnaître que par notre baptême, nous avons la mission d’annoncer le Christ, que nous sommes les uns les autres témoins de la Résurrection, témoins du Christ ressuscité. Par suite, ce geste de foi nous prépare précisément à recevoir le Seigneur Jésus ressuscité dans le sacrement de l’Eucharistie par la communion.
Abbé Bruno Gerthoux, curé