Des extraterrestres !

5 octobre 2023

Des extraterrestres !

 

 J’ai parfois l’impression que nous considérons les vocations, en particulier les vocations sacerdotales, comme des réalités extraterrestres : venues d’un autre monde, d’une autre planète, de manière inattendue, inexplicable voire magique.

Or, la vocation est en premier lieu l’Histoire Sainte d’une personne et de son Dieu. Le pape François témoignait de cela à l’occasion de l’anniversaire de sa propre vocation le 21 septembre 1953, expliquant qu’une confession fut déterminante : « Là, j’ai su que je devenais prêtre. J’en étais sûr et certain.  ». Les vocations ne sont pas une question d’organisation, de structure, d’organigramme ou de hiérarchie, elles sont la réalité d’un cœur-à-cœur avec Dieu, où chacun découvrant l’Amour dont il est aimé, submergé par cet Amour, décide de tout donner. C’est aussi ce qu’exprime la devise du pape François « miserando atque eligendo », reprenant une citation de saint Bède le Vénérable commentant la vocation de saint Mathieu : « Jésus vit un publicain et comme il le regarda avec un sentiment d’amour et le choisit, il lui dit : Suis-moi ».

Avant cela, la vocation s’enracine dans la vie humaine, dans un cœur et une âme façonnés par la vie de famille, l’éducation et la culture, certes, mais aussi le témoignage d’amour, de tendresse et de bienveillance des parents. C’est à partir du foyer familial que chacun de nous prend place dans la société, apprend à vivre, communiquer et échanger avec les autres et avec Dieu. J’aime entendre, lors des célébrations d’ordinations, les remerciements de ceux qui ont reçu cette grâce, adressés à leurs parents. C’est ce que je fis aussi au jour de mon ordination ; et plus le temps passe, plus je mesure combien je dois à mes parents - aussi bien à leurs richesses qu’à leurs pauvretés - ce que je suis aujourd’hui. C’est eux qui nous apprennent à aimer et à être aimés, à donner et à recevoir, à être disponibles et prévenants pour ceux qui ont besoin de nous, à avoir l’humilité et l’audace d’avoir besoin des autres. Si chacun peut reconnaitre l’Amour de Dieu qui le submerge, c’est d’abord parce que cet amour, humainement, a touché son cœur.

Chaque vocation prend aussi place dans une communauté chrétienne. Aumôneries et groupes de jeunes, communautés religieuses, mais aussi à la première place, les paroisses, ces communautés humaines et fraternelles de vie et de prière. Les vocations sont d’une certaine manière la manifestation visible, tangible, de la grâce de Dieu qui se donne aujourd’hui et maintenant, de l’intervention de notre Dieu dans notre histoire, la trace du passage de l’Esprit-Saint dans nos communautés et dans notre temps. Les vocations ne sont ni une récompense, ni un droit, ni une simple fonction à remplir, mais plutôt la manifestation de la fécondité et de la vie d’une communauté chrétienne. J’aime à dire et redire que je suis un fidèle du Christ laïc, avant d’être un fidèle du Christ prêtre. L’un ne va pas sans l’autre et ne s’y oppose pas, mais l’un appelle l’autre, parce que l’un est au service de l’autre, pour le bien de toute l’Eglise. Je sais, pour ma part, tout ce que je dois en particulier à la communauté paroissiale de Bollène, et au cœur de celle-ci aux moniales du monastère du Saint-Sacrement.

Personnellement, je ne peux oublier toutes ces figures de prêtres, dans leur diversité humaine de génération, d’éducation, de sensibilité, d’expérience, de spiritualité... Chacun, à travers ses joies et se peines, ses réussites et ses échecs, ses richesses et ses pauvretés, dans tous les cas, dans l’accomplissement humble et joyeux de son service, a affermi dans mon cœur le désir de devenir prêtre.

De plus, lorsque ces prêtres témoignent, ils ne parlent pas d’eux ! Par leur vie et leur ministère, ils rendent témoignage la fois à Celui qui les aime et les a appelés, et à ceux à qui il est envoyé. Les communautés chrétiennes en effet, contribuent non seulement à donner des prêtres à l’Eglise, mais contribuent aussi à faire ce qu’ils sont, en leur permettant d’exercer leur ministère.

La question des vocations ne se réduit pas à un partage des pouvoirs, à une organisation matérielle et technique, à la définition de fonctions. La question des vocations – et de leur crise – pose avant tout celle de la conscience de l’appel de tous les fidèles du Christ à la sainteté, de l’importance et de l’urgence de la mission de Salut de toute l’Eglise, des moyens à prendre par chacun pour vivre cela en acte et en vérité. Ce n’est pas d’une autre planète que viennent les vocations, c’est du cœur même de la communauté chrétienne désireuse de vivre sa vocation et sa mission.

 

Abbé Bruno Gerthoux, curé