Déjà !
Oui, déjà Noël. La fête est arrivée un peu rapidement, trois semaines après le début du temps de l’Avent. Le temps, assez doux, ne nous a pas trop préparé ; la situation internationale nous inspire plus d’inquiétude que de sérénité ; il m’a même semblé que les rues et places de nos cités étaient moins animées et décorées qu’à l’accoutumée. Déjà Noël, alors que j’ai l’impression que nous en parlons depuis la rentrée de septembre ; déjà Noël, et j’ai l’impression de n’avoir pas eu assez de temps pour m’y préparer.
Or, c’est bien ce qui a dû se passer au soir de la naissance de l’enfant Jésus à Bethléem. La vie suivait son cours, avec ses joies et ses imprévus : joie d’une naissance qui s’annonce, par exemple ; imprévu d’un voyage imposé par les autorités pour un recensement des populations, sans doute en vue de planifier un impôt. A la fois le Peuple de Dieu attendait la venue et l’avènement du Messie, du Christ Sauveur, et à la fois, chacun continuait à vivre sa vie, sans vraiment se préparer à reconnaître et accueillir le Sauveur. Ces pauvres parents en déplacement, sans logement et riches de ce qu’ils pouvaient alors transporter à main d’homme, loin de leur foyer, de leurs amis, de leur famille ; cette femme rendue vulnérable par son accouchement prochain ; les auberges combles de voyageurs à l’abri ; les aubergistes affairés, satisfaits d’une telle réussite… rien de ne semblait prêt pour accueillir un nouveau-né, et encore moins pour accueillir le Sauveur. Personne ne paraissait disposer à l’accueillir.
Rien de nouveau aujourd’hui en cette Nuit de Noël qui approche. Si le contexte et les circonstances ont changés, les préoccupations demeurent, qui peuvent nous détourner de l’essentiel, en occupant nos journées, nos esprits et nos vies, les remplissant jusqu’au débordement et la saturation. Rien de nouveau pour nous aujourd’hui, nous ne sommes sans doute ni prêts ni disposés à reconnaître et accueillir le Sauveur. Et peut-être, parce que nous ne sommes pas prêts à accueillir le Sauveur que nous pourrions imaginer, peut être serons-nous prêts et disposés à accueillir le Sauveur tel qu’Il se donne et manifeste : le dénuement et la pauvreté d’une étable, la simplicité vulnérable d’un enfant emmailloté et couché dans une mangeoire, l’émerveillement serein des parents, la foi audacieuse et enthousiaste des bergers, la joie du Ciel qui se manifeste sur Terre à portée des yeux et du cœur…
Tout nous conduit à l’humilité, celle qui nous fait reconnaître dans notre quotidien la présence et l’œuvre de la grâce de Dieu, rayonnante au cœur même des épreuves et difficultés ; cette humilité qui nous donne l’audace de l’espérance, convaincu qu’avec la grâce de Dieu, nous avons le courage et la force nécessaires pour surmonter toute épreuve ; cette humilité qui nous fait prendre conscience de notre juste valeur dans le cœur et le plan de Dieu, sans nous laisser juger ou anéantir par le monde et ses critères ; cette humilité qui nous porte à la joie d’aimer et d’être aimé.
abbé Bruno Gerthoux, curé