Confession, sacrement d’espérance
L’espérance est une grâce par laquelle nous connaissons et aimons Dieu, concrètement, dans notre vie de tous les jours, dépassant les limites et obstacles, en nous portant vers Lui, que nous possédons déjà en espérance. Et d’une manière spécifique, dans le sacrement de la miséricorde et de la réconciliation, nous faisons l’expérience de cette espérance que lorsque le péché abonde, la grâce surabonde.
Par le péché, plus qu’une erreur, une faute ou l’enfreinte d’une loi, nous faisons l’expérience du mal. Ce n’est pas une réalité positive qui vient s’ajouter, mais au contraire ce qui manque à la réalité pour qu’elle soit bonne, bien, juste et vraie, au point de défigurée celle-ci.
Ce mal, c’est déjà la prise de conscience de cette contradiction et de ce combat dans notre propre cœur. Comme le dirait saint Paul : le bien que je veux, je ne le fais pas ; le mal que je ne voudrais pas, je le fais ! C’est en notre intimité, en notre cœur que s’enracine le mal. Toutefois, il n’y demeure pas enfermé, mais produit ses fruits mauvais dans les actes qui vont causer du mal dans le monde, engendrer des désordres, faire le mal dans les cœurs. Ce mal a des conséquences dans notre vie, dans nos relations, dans notre monde, et bien sûr, dans notre relation à Dieu puisque notre péché, enraciné dans nos cœurs, produisant des actes mauvais, nous éloigne ou pire nous sépare de Dieu. En outre, et ce n’est pas la moindre des conséquences, ce mal nous enferme et nous referme sur nous-mêmes, nous empêchant de reconnaitre la réalité du péché, nous y habituant, nous en accommodant, voire en le justifiant.
Comment alors sortir de ce cercle vicieux d’enfermement sur nos erreurs et de culpabilité ? Lorsque nous utilisons le mot et la notion de péché, toujours et en même temps, parce que c’est notre relation à Dieu qui est en jeu, nous devons avoir conscience et l’espérance de la réalité du pardon et de la miséricorde. Nous devons donc nous décentrer de nous-mêmes, et « débarrassés de tout ce qui nous alourdit – en particulier du péché qui nous entrave si bien –, courons avec endurance l’épreuve qui nous est proposée, les yeux fixés sur Jésus, qui est à l’origine et au terme de la foi(…) Méditez l’exemple de celui qui a enduré de la part des pécheurs une telle hostilité, et vous ne serez pas accablés par le découragement » (Hx 12, 1…3). En effet, le Christ est mort pour nous, à cause de nos péchés. Prendre conscience de cela, mesurer la réalité de cette vérité, sans ajouter une culpabilité à nos péchés. Au contraire, la croix du Christ nous révèle à la fois la vraie place du péché et de ses conséquences, la puissance du Christ, de sa Passion, de sa croix, et la réalité de son amour pour nous, et par suite, de la valeur même et de la place que nous avons chacun dans l’œuvre de la création et du Salut.
Ainsi, par la croix, nous passons de la logique de la condamnation à la logique de la miséricorde. Les paroles que nous entendons au cours de la Vigile Pascale, « bienheureuse faute qui nous valut un tel Sauveur », ne peuvent être dites que par un chrétien. Tout autre ne peut dire que « malheureuse faute qui nous valut une telle condamnation » ! De même que la mort du Christ devient le passage vers la Vie, de même, par sa croix, le péché qui aurait dû nous conduire à la mort, devient ce qui nous donne un accès nouveau à la grâce par le sacrement de la Réconciliation. Un sacrement est un signe visible et efficace de la grâce invisible. Ce signe n’est pas seulement visible, mais ce qu’il signifie est efficace, c’est-à-dire qu’il réalise ce qu’il montre. Ainsi, chaque sacrement, pour être tangible, est constitué d’une matière que l’on peut percevoir. En outre, cette matière a du sens, ainsi, le pain est une nourriture. Pour que ce sens spécifique puisse être compris, une parole accompagne la célébration du sacrement, consacre le sens et manifeste la grâce. Ainsi, non seulement la grâce de Dieu est montrée, mais elle est ainsi manifestée et donnée. Or, dans le sacrement de la réconciliation, la matière du sacrement est le péché confessé, qui nous signifie l’éloignement et la rupture de la relation avec Dieu, et par la parole qui l’accompagne : « et moi, je te pardonne tous tes péchés au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit », ce péché pardonné nous établit dans une amitié renouvelée avec Dieu. Ce péché qui par lui-même nous éloigne et nous sépare de Dieu, par la puissance de l’amour de miséricorde de Dieu et la vertu du sacrement, devient ce qui nous en rapproche avec surabondance.
L’espérance doit habiter notre cœur lorsque nous entreprenons de nous confesser et de recevoir le sacrement de la réconciliation, parce qu’alors se manifeste très concrètement dans nos vies, à portée de nos yeux et de notre cœur, la victoire du Sauveur sur le péché et le mal.
Abbé Bruno Gerthoux, curé