Celui qui m’aura renié…
L’évangile de ce samedi rappelait ces paroles du Seigneur : « celui qui m’aura renié en face des hommes sera renié à son tour en face des anges de Dieu. » (Luc 12, 8-12). Peut être pensons-nous n’être pas concernés par l’apostasie, qui est un reniement public de la foi, et cependant des reniements silencieux peuvent émailler notre quotidien.
Le premier reniement « en face des hommes » est celui par lequel nous ne prenons pas notre baptême au sérieux, au sens où nous ne lui accordons ni l’importance, ni la place, ni le rôle qui lui reviennent. En effet, par le baptême, plongés dans la mort et la résurrection du Christ, mort avec Lui, et ressuscités avec lui, nous sommes devenus membres du Corps du Christ, de l’Eglise, associés à sa vie et sa mission de Salut. Aussi, ce reniement peut commencer par une simple négligence, désinvolture ou indifférence dans notre vie de foi, aussi bien personnelle que publique et communautaire. Et nous pouvons même nous trouver des justifications pour cela. Nous réduisons alors la foi à n’être qu’un produit de consommation parmi d’autres, cédant parfois la place à d’autres choses ou réalités qui pour légitimes qu’elles puissent être, ne sont pourtant pas du même ordre, ni de la même valeur. La prière quotidienne, la participation à la célébration dominicale du sacrifice eucharistique, ou en semaine, la confession, l’attention aux plus pauvres, le service… Si la foi ne prend pas concrètement et matériellement de place dans notre quotidien, si elle cède systématiquement la place à d’autres activités, que signifie-t-elle ? que manifeste-t-elle ? Quel est son témoignage devant les hommes ? Nous risquons de finir par n’être plus que des spectateurs passifs de notre foi et de notre vie.
Le péché est lui aussi un reniement de Dieu devant les hommes, parce que le péché est avant tout ce qui nous sépare ou nous éloigne de Dieu. Cependant, comme le rappelle le même passage de l’Evangile : « Quiconque dira une parole contre le Fils de l’homme, cela lui sera pardonné ». Toutefois, le Seigneur ajoute « mais si quelqu’un blasphème contre l’Esprit Saint, cela ne lui sera pas pardonné. » Ce blasphème contre l’Esprit-Saint n’est-il pas le fait, précisément, en ignorant, justifiant ou cachant son péché, de se priver et de refuser la miséricorde par le don de l’Esprit-Saint ? si pécher est un reniement de Dieu à la face des hommes, ne pas reconnaître ni confesser son péché, et par suite refuser la miséricorde, est aussi un reniement de Dieu à la face des hommes. En conséquence, accepter et vivre la miséricorde, est un témoignage rendu à Dieu, à son œuvre puissante de grâce, une proclamation vivante devant la face des hommes.
Cela n’est pas au-delà de nos forces. « Quand on vous traduira devant les gens des synagogues, les magistrats et les autorités, ne vous inquiétez pas de la façon dont vous vous défendrez, ni de ce que vous direz. Car l’Esprit Saint vous enseignera à cette heure-là ce qu’il faudra dire. », en effet, en toutes ces situations, si nous acceptons de ne pas les vivre seuls, et que nous nous confions à la grâce de l’Esprit-Saint, alors tout devient possible. Ils sont nombreux les saints qui illustrent cette conviction.
Abbé Bruno Gerthoux, curé