Bénissez-moi, parce que j’ai péché
Ne sont-elles pas surprenantes et inattendues ces paroles que nous disons au prêtre lorsque nous commençons notre confession ? « Bénissez-moi, mon père, parce que j’ai péché » ! Alors que nous approchons du Saint Temps de Carême propice à la conversion, il n’est pas inutile de méditer sur le sens et la portée de cette demande qui ouvre et introduit la confession de nos péchés.
En nous limitant à une traduction trop littérale par décomposition étymologique du verbe bénir venu du latin benedicere « dire du bien », nous pourrions penser que nous demandons ainsi au prêtre de dire du bien parce que nous sommes pécheurs, de dire du bien de notre péché, et finalement d’encourager voire justifier nos péchés ! Il me semble que cette traduction trop littérale ne rend pas compte de la réalité du mot et de son sens. Ne serait-il pas plus juste d’expliquer que bénir, c’est dire une bonne parole, c’est-à-dire une parole ajustée à ma situation, à ce que je suis, en particulier comme pécheur ?
Cette prière du pénitent est touchante de simplicité et de confiance. Nous sommes ainsi à l’image du fils prodigue (cf. Lc 15) qui, étant « entré en lui-même » revient vers son père en lui disant « père, j’ai péché contre le ciel et contre toi, je ne suis plus digne d’être appelé ton fils », reconnait ses péchés et leurs conséquences, et se confie à la miséricorde du père. En commençant notre confession, sans ignorer la réalité de nos péchés - au contraire -, mais sans nous laisser aveugler par eux, portant notre regard plus loin, nous nous tournons aussi vers le père pour demander sa bénédiction ! Et dans la confession, si nous adressons ces paroles au prêtre, en premier lieu, c’est aussi, et inséparablement au Père Eternel.
En demandant la bénédiction, le pécheur ne sollicite pas un encouragement au péché, mais une bonne parole, une parole juste, une parole sûre et efficace qui lui fera prendre conscience de la réalité de ses péchés, de ce qu’ils sont, de leur place et de leurs conséquences. En effet, il est facile d’être dupés par le péché, c’est-à-dire de lui donner plus d’importance qu’il n’en a. Il est fréquent, à cet égard, d’entendre des personnes un peu éloignées de la foi, dire en forme de constat de capitulation « il me faudrait plusieurs jours pour me confesser », comme si ses péchés étaient plus grands et plus forts que la miséricorde de Dieu.
Le péché ne se réduit pas à n’être qu’une faute, une erreur ou un échec. Lorsque nous parlons de péchés, indissociablement, parce que le péché est ce qui nous sépare ou nous éloigne de Dieu, nous envisageons et espérons le pardon et la miséricorde qui nous en libère et guérit. Indissociablement, en évoquant le péché est déjà affirmé dans la foi et l’espérance, la victoire de la grâce. Pour autant, si la victoire est assurée, le combat doit être mené. Par suite, la bénédiction est cette juste parole, cette parole forte qui nous rappelle la beauté et la réalité de notre vocation à la sainteté, qui nous affermit en vue de la victoire, et ce faisant, nous encourage à nous détacher de tout ce qui pourrait nous conduire à nouveau à pécher, à prendre les moyens du combat propre à nous approprier la victoire.
Au moment de l’acte de contrition, après avoir dit « je prends la ferme résolution, avec le secours de votre sainte grâce, de ne plus recommencer », des pénitents parfois s’interrompent. Prenant conscience de ce qu’ils viennent d’affirmer, ils expriment leurs doutes quant à la capacité qu’ils auraient de ne plus recommencer, oubliant déjà qu’ils ont aussi précisé : « avec le secours de votre Sainte Grâce ».
La première victoire du péché est de blesser notre cœur et d’affecter notre vie ; la seconde, nous en sommes nous-mêmes les artisans, lorsque nous abandonnons le combat. Aussi, afin de ne pas être abattus par les péchés, sans les minimiser, les ignorer ou les justifier, même s’ils peuvent donner l’impression d’avoir gagné, implorons avec confiance et persévérance la bénédiction de Dieu, pour nous conduire à la victoire par la Grâce.
abbé Bruno Gerthoux, curé